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74% d’EHPAD publics déficitaires dans la région en 2024 : un déficit désormais structurel

74% d’EHPAD publics déficitaires dans la région en 2024 : un déficit désormais structurel

En 2024, comme en 2023, 74% des EHPAD publics sont déficitaires dans les Hauts-de-France, contre 71% au niveau national. 

La FHF nationale a réalisé une enquête sur la situation financière des EHPAD publics pour l’année 2024, dont les résultats ont été annoncés ce mardi 13 mai. La FHF Hauts-de-France a souhaité régionaliser les données de cette enquête à partir des résultats de ses EHPAD adhérents (108 établissements répondants représentant 13 900 places).

Si la situation peut apparaitre stabilisée par rapport à 2023, ces résultats ne sont en réalité dus qu’au versement d’aides ponctuelles exceptionnelles pour certains établissements, sans lesquelles les déficits cumulés se seraient encore aggravés, touchant plus de 8 établissements sur 10 et pouvant conduire jusqu’à la cessation de paiement et à la fermeture de la structure.


Un déficit désormais structurel alors que l’activité remonte

Dans les EHPAD publics, l’activité remonte progressivement depuis la crise COVID et l’affaire ORPEA, qui les avaient fortement impactés, avec un taux d’occupation moyen des EHPAD publics de la région à 91,7%.

La généralisation des déficits des EHPAD depuis 2022 n’est donc pas en corrélation avec une activité qui serait problématique.

Des dotations financières toujours décorrélées du changement de profil des résidents et de l’inflation

Les 3 sections de financement des EHPAD, soins (Etat/ARS), dépendance et hébergement (Conseils départementaux), contribuent de façon différenciée à l’alourdissement des déficits. Toutes ont cependant en commun de ne pas suffisamment tenir compte de l’évolution des profils des résidents, aujourd’hui régulièrement polypathologiques et avec un besoin plus élevé de soins et d’accompagnement, ni de l’inflation ou des revalorisations salariales.

L’ARS Hauts-de-France, qui finance la section soins, verse la totalité de l’enveloppe qu’elle a à sa disposition, mais cette dotation régionale limitative reste insuffisamment calibrée pour couvrir les besoins régionaux.

Les Conseils départementaux ne jouent quant à eux pas leur rôle de co-financeurs des EHPAD, avec des taux d’évolution votés bien inférieurs à l’inflation. Ce n’est pas le reste des à charge des résidents qui doit progresser, mais bien une revalorisation de la dépendance qui est attendue.

Un déficit alarmant dont l’apparente stabilité ne repose que sur les aides exceptionnelles mises en place

Un fonds d’urgence a été débloqué pour accompagner les Etablissements Sociaux et Médico-Sociaux (ESMS) en difficulté. En région Hauts-de-France, depuis 2 ans, ce sont ainsi 43 EHPAD qui ont bénéficié d’aides exceptionnelles, dont 40 établissements publics.

Si ces aides constituent un ballon d’oxygène, elles ne sont malheureusement que des réponses de court terme pour des EHPAD sous perfusion, qui se retrouveront en 2025, comme de plus en plus d’établissements, dans les mêmes situations de tension extrême de trésorerie. Cela va désormais impacter fortement les capacités d’investissement de ces établissements, dont un certain nombre souffre déjà de vétusté.

Un déficit également dû aux iniquités socio-fiscales subies par le secteur public en comparaison du secteur privé

La gestion des EHPAD publics hospitaliers est efficiente, la simple égalisation des charges socio-fiscales qui leur incombent par rapport aux autres secteurs leur permettant d’être à l’équilibre, et même de retrouver des marges de manœuvre. C’est le modèle de leur financement qui n’est pas adapté.

En effet, alors que les EHPAD publics hospitaliers accueillent les résidents les plus complexes, leur budget annuel est, dès le départ, amputé de 7 000 à près de 10 000 € par place comparativement aux EHPAD privés non lucratifs, avecpar exemple, des charges socio-fiscales pénalisantes car bien plus élevées que dans les autres secteurs (taxe sur les salaires, taux global de charges sociales de 50% alors qu’il est de 13% dans le privé…), mais également de nombreux coûts supplémentaires à assurer (taxe transport, auto-assurance chômage…).

La hausse du taux de cotisation CNRACL, dont l’augmentation prévue de 12 points sur 4 ans, ne sera compensée en 2025 que sur le soin, laisse entrevoir pour les années à venir des difficultés financières insurmontables.

La mise en place des tarifs différenciés et la constitution des GTSMS, deux mesures considérées à tort comme des outils de retour à l’équilibre budgétaire

Deux mesures issues de la loi Bien Vieillir, la mise en place des tarifs différenciés et la constitution future des Groupements Territoriaux Sociaux et Médico-Sociaux (GTSMS), sont considérées par les financeurs comme des solutions à la résorption des déficits, mais elles ne résoudront en rien les difficultés.

La mise en place des tarifs différenciés ne permettra en effet de ne générer que de faibles recettes supplémentaires au regard des premières estimations de la FHF : soit + 300€ par place, alors que le déficit 2024 moyen par place des EHPAD publics en Hauts-de-France est 2 600€ (avec les aides exceptionnelles). Elle pose également la question éthique du financement de la prise en charge des aînés, le tarif différencié conduisant à faire reposer la solidarité uniquement sur les résidents « payants », avec un désengagement des Conseils départementaux qui se confirme au regard des taux d’évolution 2025 votés sur l’hébergement. Cette mesure peut mettre en cause le maintien et la garantie de l’accessibilité des établissements publics.

La constitution des GTSMS n’est une solution qu’en apparence. Bien qu’accentuant la mutualisation des fonctions et l’efficience, ils ne permettront en réalité nullement à effacer l’ensemble des surcoûts imposés au secteur public. Les GTSMS ont surtout vocation à permettre aux EHPAD de gagner en expertise et de diminuer le risque juridique, au regard des moyens très limités dont ils disposent à ce jour. 

Des établissements publics pourtant indispensables, et qui retrouvent leur attractivité pour les professionnels

Les EHPAD publics sont des piliers de la République : offrant un accueil inconditionnel, ils sont parfois le seul recours pour bon nombre de nos concitoyens, avec l’offre la plus qualitative possible aux tarifs les plus bas dans chaque territoire. Ils accueillent également les résidents les plus complexes.

Après le choc de la crise sanitaire, ces établissements retrouvent désormais une véritable attractivité pour les professionnels.

Il apparait aussi important de souligner que dans les conclusions du plan de contrôles et inspections des EHPAD lancé en mars 2022 au niveau national suite à l’affaire ORPEA, qui a vu plus de 7 000 établissements inspectés, aucun établissement de la région Hauts-de-France n’a été concerné par une quelconque sanction administrative.

Pourtant, la pérennité de l’offre publique des EHPAD est aujourd’hui mise à mal, après 3 années d’un déficit qui est devenu structurel, sans aucune perspective d’amélioration.

En 3 ans, près de 500 places d’EHPAD publics ont ainsi déjà été fermées dans la région, et le mouvement risque de se poursuivre en l’absence d’une décision politique nationale de soutien massive.


Contact presse :

Clémence de Saint Stéban, chargée de communication FHF Hauts-de-France

03 62 94 38 49 – clemence.desaintsteban@chu-lille.fr